Le Politique    Gygès Protagoras

Gygès était un berger qui découvrit un jour un anneau dont la faculté était de le rendre invisible à volonté.
Fort de ce pouvoir, il séduisit la reine et assassina le roi, pour prendre sa place.
Quel est le juste qui, détenant cet anneau, aurait la force de ne pas s’en servir injustement ?
Rendant invisibles les injustices que l’on commet, l’anneau de Gygès rend visible l’injustice de l’âme humaine (La République, VI).

Quand les dieux créèrent toutes les races de vivants, ils demandèrent aux deux frères Épiméthée et Prométhée de répartir entre elles les bienfaits, ce dont se chargea Épiméthée, donnant aux unes la vitesse, aux autres la force, etc., afin qu’aucune ne périsse.

Épiméthée ayant oublié la race humaine, Prométhée y remédia en volant aux dieux l’habileté et le feu, pour le bienfait des hommes.
L’homme, devenu bon artisan, ne possédait pas l’art politique : pour cette raison, il ne formait aucune communauté, ou du moins aucune communauté efficace.

Zeus, le prenant en pitié, lui donna la politique comme un bon sens partagé de tous, et non comme une aptitude de quelques-uns.
Ce mythe, raconté par Protagoras dans le dialogue du même nom, tend à montrer, contre l’avis de Platon, que le sens politique est possédé de tous, et qu’il est d’une autre nature que le savoir technique de l’artisan.

Selon le mythe du Politique, le monde est tantôt guidé par la divinité, tantôt abandonné à lui-même et à son mouvement propre, en sens contraire.

Dans le premier cas, les hommes viennent à la vie, et rajeunissent au cours du temps: c’est le temps heureux du dieu Cronos, où les hommes n’ont pas besoin de procréer pour se perpétuer, de cultiver la terre pour se nourrir, âge d’or où ils pratiquent la philosophie et ne nourrissent pas de passions.

Lorsque le dieu a ainsi guidé le monde jusqu’à la fin du premier cycle, comme on remonte un ressort, il l’abandonne à lui-même, et le temps se déroule dans l’autre sens, les hommes doivent procréer pour se perpétuer, travailler pour se nourrir, les passions renaissent, et la philosophie périclite : la vie est une succession de malheurs, et une longue décadence qui s’achève par la mort.

Les rois de l’Atlantide, raconte Platon dans le Critias, avaient une nature divine, qui leur faisait écouter les lois et dédaigner les richesses. La vertu apportant la force, ces rois s’enrichirent, et perdirent leur nature divine à force de se croiser avec les hommes. C’est alors que, voulant s’enrichir plus encore, ils cherchèrent la conquête, et devinrent une puissance militaire : la grandeur les perdit, et leur île fut engloutie. Le bien d’une cité n’est pas de s’agrandir et de s’enrichir; c’est de pratiquer perpétuellement la vertu sans faire de cas d’une plus grande prospérité.